Parashá Toldot 5757
Genèse 25.19 - 20.9
16 novembre 1996 / 5 kislev 5756
(Traductrice : Gloria Lafarge, atoscano@arrakis.es)
Dans la langue rabbinique, eau signifie Tora.
L´association est
esssentielle et évidente. Ce sont deux éléments porteurs
de vie. Ainsi
que l´eau nourrit la vie organique, la Tora nourrit la vie juive.
Par
conséquent, quand Isaïe prononça: “Ah! Vous tous qui
avez soif, allez
aux eaux, même si vous n´avez pas d´argent (Isaïe
55:1)”. Les rabbins
donnent à ses mots un sens d´invitation pour entrer dans le
monde de
la Tora.
La base de la pratique de la sinagogue, la lecture régulière
de la Tora,
s´appuie sur cette analogie. Ils ne peuvent pas laisser passer plus
de
trois jours sans une récitation publique de l´Ecriture. En
accord avec la
narration de l´Exode, les gens d´Israël, après
avoir traversé la Mer
Rouge, errèrent dans le désert durant trois jours sans signe
d´eau,
s´effaçant rapidement tout souvenir de miracles préalables
et
protagonisant un mécontentement général (Exode 15:22).
Le Talmud
commente métaphoriquement l´épisode: Trois jours sans
entendre un
mot de la Tora fut plus qu´Israël ne put supporter, et par conséquent
, à
un certain moment, les dirigeants prophétiques installèrent
la coutume
de lire la Tora liturgiquement non seulement le matin du shabat, mais
aussi le lundi et le jeudi matin. Le matin du même jour où
nous
complétons une Parashá, nous commençons la suivante
l´après-midi et
nous le faisons encore deux fois de plus durant la semaine. Vivre loin
de la Tora est aussi fatidique qu´une sécheresse.
L´identité entre l´eau et la Tora est une analogie rabbinique,
mais elle
offre une piste pour interpréter un fragment obscur dans la vie
d´Isaac.
Bien que notre parashá a pour titre: “Ceci est l´histoire
d´Isaac”, elle
raconte très peu sa vie d´adulte. Malgré cela la Tora
trouve nécessaire
de lui consacrer une demie-douzaine de versets (Genèse 26:17-22)
pour
nous narrer les efforts d´Isaac afin de remettre en marche les puits
d´eau
construits par son père: “Isaac creusa à nouveau les puits
d´eau qui
avaient été creusés durant la vie de son père
Abraham et que les
philistins avaient recouverts après la mort d´Abraham, et
lui les appela
comme son père les avaient appelés (26:18)”. Le territoire
où résidait
Isaac à ce moment appartenait aux philistins, ceux-ci essayèrent
d´empêcher son plan, mais lui s´arrangea pour remettre
en marche au
moins trois puits (et sans doute un quatrième (26:32)).
Les commentateurs, autant les anciens que les modernes, se sont
maintenus éloignés de ce passage. Il semblait que sa qualité
prosaïque
ajoute peu à la biographie d´Isaac. J´aimerais suggérer
que la
signification du fragment est liée à son contenu implicite
au lieu de
l´être à son contenu explicite. L´épisode
montre la loyauté d´Isaac au
legs de son père. Non seulement Isaac vit où vécut
une fois son père,
non seulement il boit la même eau, mais le plus important, il respecte
les préceptes que son père représentait. L´image
d´un fils qui essaie de
s´approprier à nouveau des puits d´eau qui maintenaient
son père,
symbolise la réparation d´une grave violation. Ce n´est
pas fortuit que
cela se produise directement après la restauration des puits d´eau,
la
première fois qu´Isaac entrevoit Dieu qui se dirige à
lui comme le Dieu
de son père (26:24).
Dans la narration de la Tora il y a beaucoup d´indices qui insinue
que la
loyauté d´Isaac à la foi de son père, fut plutôt
affaiblie par l´épreuve de
“l´attachement” au Mont Moriah. Premièrement Isaac ne revient
pas à
Beersheba avec Abraham (22:19). La concorde et l´intimité
de sa
relation s´étaient rompues ? Deuxièmement, Isaac se
lamente vivement
quand meurt Sarah et il demeure inconsolable jusqu´à ce que
Rébecca
entre dans sa vie (24:67). Peut-être s´attribuait-il sa mort,
après
“l´attachement”, comme le Midrash l´attribue à l´incompréhensible
conduite d´Abraham ? Il trouva refuge dans l´amour protecteur
de
Rébecca, au lieu de celui de son père ? Troisièmement,
après la
naissance de ses enfants, Isaac préfère Esau “un chasseur
habile, un
homme de l´air libre (25:27)”, qui affichait peu d´intérêt
pour les
affaires de justice et de rectitude que nous identifions avec Abraham
(18:19).
Le conte des puits d´eau a pour propos de modifier l´impression
qu´Isaac ne fut pas continuellement brouillé avec la foi de
son père. Il
lutte pour surmonter les cicatrices de sa peur, pour entendre l´angoisse
muette de son impénétrable père et la signification
de cet événement
poignant . Il revient pour retirer les déchets qui ont couvert et
pollué les
puits pour qu´il puisse boire à nouveau des eaux sacrées.
Mais, pour intérioriser ce legs, il lui fut nécessaire de
tailler et couper les
compléments élaborés pour ainsi retrouver son équilibre
et son intégrité
afin que tout fonctionne pour lui. Chaque génération de philistins
cherche à mettre un frein au caractère plastique d´une
tradition saine.
La transmission est un processus dynamique, intéractif gouverné
par
les deux, la réceptivité et la révérence. Les
guardiens de la tradition
doivent sentir la douleur du fidèle même s´ils prêtent
attention à la voix
de Dieu.
Personne n´a saisi l ´esprit créateur de cette relation
dialectique aussi
bien que l´incomparable écrivain allemand Goethe : “ Ce que
vous avez
hérité (passivement) de vos ancêtres, attrapez. le
(activement) pour
pouvoir le faire vôtre”.
Shabat shalom u-mevoraj
Ishmar Schorsch